On continue à tracer et aménager les villes tel qu’on le faisait en… 1994. Ces plans, même dépassés, ne sont pas toujours respectés et pour leur majorité, on y a vu les choses de manière réductrice. L’expansion future a été en grande partie négligée.
Entendue dans un métro, une conversation qui se déroulait entre deux voyageurs (ils parlaient à voix haute) : «J’ai été alerté par un de mes parents à propos de l’inhumation d’une personne étrangère, qui n’appartient pas à notre famille, dans le carré qui nous appartient. Il m’a demandé ce que nous devons faire pour arrêter ce genre de dépassement».
L’interlocuteur réfléchit un moment et répond avec un flegme admirable : «D’après moi, il ne faut rien faire. D’abord, parce que cela ne servira à rien. On vous promènera de droite à gauche, dans toutes les directions sans vous donner de réponse. Pour la bonne raison qu’ils n’ont pas de réponse à vous donner. Ensuite, on trouvera toujours un trou pour nous mettre dedans le moment venu ! ».
Cela rappelle étrangement ce qui se passe au sein des différents cimetières du pays.
Une enquête effectuée par l’Agence TAP révèle, dans une première approche, «qu’une trentaine de cimetières du Grand-Tunis sont arrivés à saturation. Ils ont même fermé leurs portes.Vingt-six autres sont de 75 à 100 pour cent de leurs capacités ».
Des extensions sont prévues, mais il n’en demeure pas moins que l’on finira par aller ensevelir les personnes décédées du Grand- Tunis à des dizaines de kilomètres de leurs lieux de résidence.
Il n’y a pas que ça
Ce qui est important dans cette enquête ce n’est pas le nombre de cimetières qui sont arrivés à saturation, mais bien la raison qui a conduit à cette impasse.
Nous pensons que nous devrions remonter aux plans d’aménagement des nouvelles cités qui ont surgi autour du Grand-Tunis et qui abritent des centaines de milliers de personnes.
Tout au long de ces dernières années, nous constatons les dégâts occasionnés par les négligences qui ont marqué l’application des plans d’aménagement mis en forme et présentés, le non-respect des différentes clauses énoncées et l’absence totale de prise de position ou de décisions que l’on pourrait qualifier de prospectives.
Ces égouts qui débordent à chaque pluie, c’est par manque de prévision et d’une recherche systématique du «moins-disant» et du «moindre coût». Alors que tous les connaisseurs et techniciens avouent que ces rues inondées, ces bouches d’égout qui sautent, ces inondations sont dues à des conduites mal calibrées et groupant eaux de pluie et eaux usées, on continue à faire passer des canalisations uniques au niveau des nouvelles cités. Les rues sont toujours aussi étroites, les trottoirs aussi restreints que possible, les places sont toujours mal tracées, ce qui engagera des dépenses futures pour les ajuster au futur trafic, etc.
Et on continuera à exiger des solutions avec de grosses manchettes et des commentaires enflammés, alors qu’il n’y en a pas, à moins de retracer ces villes et ces cités dépassées.
Pour un pays qui ploie sous les dettes et qui n’arrive même pas à acheter des médicaments vitaux, cela n’a rien de sérieux.
Dépassée
La loi n°94-122 du 28 novembre 1994, portant promulgation du code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, est sans aucun doute dépassée et aurait dû être revue en fonction de l’évolution de ce monde moderne. On continue à tracer et aménager les villes tel qu’on le faisait en… 1994.
Ces plans, même dépassés, ne sont pas toujours respectés et pour leur majorité, on y a vu les choses de manière réductrice. L’expansion future a été en grande partie négligée.
La plupart des cités utilisent, en fait la grande majorité d’entre elles, les installations qui ont été prévues et réalisées depuis des décades.
A titre d’exemple, les installations sportives sont louées pour servir « d’académies payantes », alors que ceux qui n’ont pas les moyens sont rejetés dans la rue, à la merci de tous les risques que nous pourrions imaginer !
De toutes les façons, elles sont complètement dépassées et ne peuvent plus répondre aux milliers de nouvelles demandes.
Il n’y a donc pas seulement que le problème des cimetières qui sont engorgés. Les maisons de jeunes et de la culture, les mosquées, les terrains de sport et de loisirs pour les simples citoyens, les écoles parfois, les collèges et lycées, et bien d’autres espaces réservés aux équipements publics, tels que « les équipements ferroviaires et leurs dépendances, les équipements sanitaires, culturels et d’enseignement, ainsi que les bâtiments administratifs ne sont pas valorisés dans les plans d’aménagement qui n’ont pas été mis à niveau. Le problème réside donc dans le fait qu’on l’a conçu et…abandonné sans qu’il soit revu pour accompagner l’évolution de la société au niveau de son comportement et des nouvelles priorités.
Imprévus et contraintes
Ces enfants qui squattent les espaces laissés entre les voitures stationnées des deux côtés de la chaussée, elle-même étroite et répondant mal aux contraintes que posent l’absence de lieux de stationnement et l’étroitesse de ces rues et même avenues.
Ces adultes qui font des kilomètres pour trouver un parcours de santé en bon état et fonctionnel vous diront qu’à force de rencontrer des difficultés, ils ont fini par s’abandonner à la sédentarité.
Ces femmes qui ont peur d’aller faire du sport, en raison de l’absence d’installations sportives de proximité, prêtes à les accueillir et qui constituent une perte certaine pour le sport national.
Ces cimetières qui sont pleins à craquer, au point de ne plus pouvoir circuler et où il faudrait parfois aller quémander une «intervention» pour trouver un strapontin à l’effet d’ensevelir un proche, ce qui est inadmissible.
Cela ne date pas d’aujourd’hui. On vous dira qu’on a prévu des extensions mais on ne pourra jamais vous expliquer comment, ni vous donner de date pour la réalisation. Dans tous ces cas d’urgence, on semble se contenter de compter sur la débrouillardise du citoyen qui se trouve souvent livré à lui-même.
Cela n’attend pas
Il semble que l’on n’ait pas compris qu’un plan d’aménagement d’une ville est fait pour se projeter dans l’avenir. Les extensions, auxquelles on pourrait avoir recours, ne devraient pas déranger l’esthétique de l’agglomération. Elles doivent surtout répondre aux nouveaux besoins sans qu’elles empiètent sur le confort, l’aisance et la mobilité de ceux qui sont déjà en place et qui se sentent à l’étroit faute d’approche prospective de ceux qui ont posé les premiers tracés d’une nouvelle cité.
Les gestionnaires municipaux élus n’ont pas la tâche facile. Ils héritent de situations souvent catastrophiques et sont tenus d’aller vite et de répondre à des besoins qui prennent de plus en plus d’ampleur.
Les moyens manquent souvent. Les citoyens (dont une bonne partie ne paie pas ses taxes municipales) sont exigeants et crient haut et fort ce dont ils ont besoin. Le plus souvent, surtout au niveau des cités déjà en place, il faudrait greffer des réalisations incontournables, alors que l’on manque d’espaces et de moyens financiers.
L’aménagement des nouvelles cités et la mise à niveau (dans la mesure du possible) sont un problème à prendre à bras-le-corps, tout en y mettant de la bonne volonté et des…. moyens..